Grandes Unes

1er mai funeste : 1891, le massacre de Fourmies

le 30/04/2024 par Le Petit Parisien
le 25/04/2023 par Le Petit Parisien - modifié le 30/04/2024

En 1891, les organisations ouvrières se préparent à agir pour l’obtention de la journée de huit heures, conformément aux directives de l’Internationale ouvrière. Mais dans la petite ville ouvrière de Fourmies, dans le Nord, cette journée de grève se solde par une fusillade meurtrière.

Le 1er mai 1891, une manifestation tourne au drame dans la ville industrielle de Fourmies. Après un hiver particulièrement rigoureux, les ouvriers, issus majoritairement de l’industrie textile, y revendiquent pacifiquement la journée de huit heures et la hausse de leurs salaires. Cependant, la situation dégénère : la police, mobilisée par les patrons locaux, ouvre le feu et tire sur la foule. Le bilan est de dix morts et de trente-cinq blessés.

Cet événement a un fort retentissement dans la presse française et fait la Une de plusieurs journaux. C’est le cas du célèbre quotidien conservateur Le Petit Parisien, qui publie une gravure d’après photographie qui deviendra célèbre.

_

NOS GRAVURES
_

Les Événements de Fourmies

Les déplorables événements dont la ville de Fourmies a été le théâtre sont trop présents à toutes les mémoires pour qu’il soit nécessaire de les rappeler en détail.

Le Supplément du Petit Parisien, qui a entrepris de donner par l’illustration la reproduction de tous les faits importants, reste fidèle à son rôle en publiant un dessin qui permet de représenter, avec toute l’exactitude désirable, la scène tragique du 1er mai.

Fourmies est une ville du département du Nord comptant 15 413 habitants et reliée à Wignehies, où il y en a 6 811 ; l’industrie locale est le peignage et la filature de laine, ainsi que quelques tissages.

Le 1er mai, dans la matinée, les ouvriers, qui étaient en grève depuis quelques jours, avaient manifesté, et plusieurs arrestations avaient été opérées ; il s’ensuivit quelques collision entre les manifestants et la gendarmerie, et c’est alors que le sous-préfet d’Avesnes, prévenu, fit envoyer des troupes à Foumies.

On sait comment les soldats furent amenés à faire usage de leurs armes. Un premier feu de peloton avait été exécuté en l’air. Les manifestants ne supposant pas qu’on tirerait sur eux, n’avaient point bougé. Un second feu fut alors commandé, mais cette fois les soldats avaient abaissé leurs fusils et les balles avaient fait des victimes.

Ce fut un affolement général. La foule se sauva par toutes les issues ; un grand nombre de personnes se précipitèrent dans les maisons environnantes. Et, sur la place où la fusillade avait eu lieu, on entendait les cris de douleur des blessés.

La scène avait été rapide, instantanée ; un drame terrible en quelques secondes !

Le curé de Fourmies, qui avait entendu les coups de fusil, accourut sur la place et fit transporter les victimes dans son presbytère.

Parmi les victimes se trouvaient des jeunes filles, des enfants. Un jeune homme, Guilloteau, âgé de dix-neuf ans, qui portait un drapeau, avait été frappé l’un des premiers. Près de lui était tombée Marie Blondeau, âgée de seize ans, qui tenait à la main une branche d’arbre – la branche de « mai » – enguirlandée de rubans.

Mais ce n’est pas seulement sur la place que les balles du terrible fusil Lebel avaient fait des victimes : elles étaient allées traverser les fenêtres de quelques estaminets voisins et avaient là aussi semé la mort.

A l’estaminet de la « Bague d’Or », un enfant était tué, des consommateurs étaient blessés. Au café du Cygne, quatre victimes. A l’estaminet du Centre, deux jeunes filles avaient été tuées par la même balle.

Mais nous ne voulons point continuer cette lugubre énumération. Il n’est pas nécessaire nous plus d’insister sur l’horreur du drame. Dans toute la France, la consternation a été profonde, le deuil a été général, et il y a eu unanimité pour déplorer les événements de Fourmies.

Le dessin que nous publions à notre première page est, nous le répétons, d’une exactitude scrupuleuse. Il a été fait d’après des photographies de M. Perron, de Fourmies. Les témoins de la fusillade ont aidé à la reconstitution de cette scène tragique.