Écho de presse

Agatha Christie et ses critiques

le 29/05/2018 par Pierre Ancery
le 07/10/2016 par Pierre Ancery - modifié le 29/05/2018

Avec ses 66 romans, 154 nouvelles et 20 pièces de théâtre traduits dans le monde entier, Agatha Christie fait aujourd'hui l'unanimité. Mais qu'en était-il dans l'entre-deux guerres ?

Le public français, qui se passionna pour la mystérieuse disparition d'Agatha Christie le 3 décembre 1926 (la romancière fut retrouvée dans une station balnéaire peu après et ne s'expliqua jamais sur cette fugue), eut à plusieurs reprises l'occasion de lire ses romans dans la presse, où certains parurent en feuilleton. C'est le cas de Cinq heures vingt-cinq qui fut publié en 1935 dans L'Intransigeant, de Pourquoi pas Evans ? l'année suivante dans le même journal, et surtout des fameux Dix petits nègres qui parurent à l'été 1939 dans Paris-Soir, traduits par Louis Postif.

 

La critique hexagonale, elle, fut souvent bienveillante voire enthousiaste face aux ouvrages de la prolifique romancière anglaise. Mais elle ne manqua pas non plus de relever les faiblesses de certains d'entre eux... À l'image de Germaine Beaumont, elle-même auteure de romans policiers, qui officiait en tant que critique littéraire dans les colonnes du Matin, sous le pseudonyme pluriel des « Coupe-Papier ». Pendant les années 30, cette grande amie de Colette chroniqua chaque nouveau livre de la reine du crime.

 

Voici un petit condensé de ses avis (souvent tranchés) :

 

La Mystérieuse affaire de Styles (5 juin 1932)

 

"Auteur de ce grand classique du roman policier, Le Meurtre de Roger Ackroyd, Agatha Christie n'a pas retrouvé une veine aussi heureuse. Au fond, personne ne se soucie beaucoup de savoir qui a tué la riche propriétaire du château de Styles […] On est peut-être injuste envers l'auteur, qui, ayant débuté par un coup de maître, éprouve quelque difficulté à maintenir sa réputation. On aurait plutôt l'impression que cet ouvrage, traduit récemment, est une œuvre de début."

 

L'Affaire Prothero (18 septembre 1932)

 

"L'Affaire Prothero n'est pas le meilleur livre d'Agatha Christie. Tel qu'il est, il peut néanmoins servir de modèle à beaucoup de romans policiers, bien que des coupures inopportunes y aient été pratiquées."

 

Le Mystère de Chimneys (26 mars 1933)

 

"Trop d'intrigues, nouées en même temps, nuisent à la clarté du récit et, ce qui est plus grave encore, c'est que l'inévitable royaume balkanique reparaît avec sa gamme de princes errants, de révolutions, d'intrigues autour du trône et de concessions de pétrole. Pour que l'auteur, en dépit de ces erreurs, réussisse à mener le lecteur jusqu'au bout de son récit, c'est qu'elle possède incontestablement, des dons et du prestige."

 

Les Quatre (23 juillet 1933)

 

"Une certaine lassitude s'empare du lecteur devant ces thèmes connus, et le détective préféré d'Agatha Christie, Hercule Poirot, ne semble pas tout à fait à la hauteur de sa tâche. Les amateurs des romans d'Agatha Christie seront peut-être indulgents et pardonneront un peu de faiblesse à cet auteur, habituellement excellent."

 

Le Crime de l'Orient-Express (13 janvier 1935)

 

"Si Agatha Christie est inégale d'inspiration, Le Crime de l'Orient-Express a la chance d'appartenir à la bonne série. […] On sait bien que l'on peut se fier à Agatha Christie pour brouiller démoniaquement les cartes et, finalement, abattre celle, qu'avec une dextérité de tricheur professionnel, elle avait dissimulée dans sa manche. Tricher au jeu est désastreux au point de vue moral. Mais, au point de vue du roman policier, c'est du grand art."

 

Cinq heures vingt-cinq (24 novembre 1935)

 

"Les amateurs de romans policiers attendent toujours avec beaucoup d'impatience les romans d'Agatha Christie. Celui-ci qui n'est pas un des meilleurs, demeure supérieur néanmoins à beaucoup d'autres romans de même catégorie. […] Rendons à l'auteur cette justice que ses livres retiennent l'attention jusqu'au bout, même s'ils ne sont pas les plus captivants."

 

La Mort dans les nuages (17 janvier 1937)

 

"Impossible de passer sous silence la dernière œuvre d'un des meilleurs écrivains de romans policiers. […] Après tant de romans policiers, Agatha Christie garde encore le privilège d'intriguer et d'émouvoir."

 

A.B.C. contre Poirot (8 janvier 1939)

 

"Agatha Christie, comme de coutume, brouille le jeu pour égarer le lecteur, lequel, ravi d'être égaré se laisserait faire pendant dix volumes s'il le fallait."