Écho de presse

« Le Crime de L’Orient-Express » paraît dans Excelsior

le 28/05/2018 par Mathilde Helleu
le 15/12/2017 par Mathilde Helleu - modifié le 28/05/2018
Affiche publicitaire pour le train Londres-Constantinople ou Orient-Express, 1888 - source : Gallica-BnF

En 1934, avant d’être publié dans la collection Le Masque, le célèbre roman d’Agatha Christie paraît en feuilleton dans le journal Excelsior.

En 1934, la réputation de la « Reine du crime » n’est plus à faire. Elle a déjà dix-sept romans à son actif – dont huit de son détective fétiche Hercule Poirot – et bénéficie d’un vaste cercle d’inconditionnels.

L’année précédente, déjà, Le Meurtre de Roger Ackroyd a été réédité dans Le Petit Journal. Cette fois, c’est un texte inédit qui est proposé en exclusivité par l’illustré Excelsior, entre le 3 juin et le 14 juillet.

Le 2 juin, le journal annonce fièrement en une :

« Demain : Le Crime de l’Orient-Express, grand roman policier d’aventures de Mme Agatha Christie, qui est justement considérée comme le meilleur romancier anglais d’aventures policières. »

Comme pour beaucoup de romans de Christie, la traduction est signée Louis Postif, également traducteur de Jack London.

Le roman commence ainsi :

« À cinq heures du matin, en gare d’Alep, stationnait le train désigné sous le nom pompeux de Taurus-Express. Il comprenait un wagon-restaurant, un sleeping-car et deux autres voitures.

Devant le marchepied du sleeping-car, un jeune lieutenant français, en uniforme élégant, couvert d’un épais manteau, conversait avec un petit homme emmitouflé jusqu’aux oreilles et dont on n’apercevait que le bout du nez rouge et deux fortes moustaches relevées en croc. »

Ces moustaches, on les aura reconnues, appartiennent à l’inénarrable Hercule Poirot. Partant d’Alep, le détective belge décide de s’accorder un bref répit à Istanbul, où il compte faire un peu de tourisme. « L’église Sainte-Sophie est une merveille, déclara le lieutenant Dubosc, qui ne l’avait jamais vue. »

Mais dès son arrivée, il reçoit un câble lui intimant de rentrer à Londres de toute urgence. Quittant les rives du Bosphore à regret, Poirot obtient la dernière couchette disponible dans le célébrissime train de luxe : « Ils virent le long quai éclairé glisser sous leurs yeux. L’Orient-Express commençait son voyage de trois jours à travers l’Europe. »

Pendant la nuit cependant, l’enquêteur éprouve un malaise étrange :

« Il ne put se rendormir. Tout d’abord, il lui manquait le mouvement berceur du train. Cette gare paraissait étrangement paisible et, par contraste, les bruits intérieurs du wagon-lit devenaient extraordinairement sonores.

Il entendait Ratchett remuer à côté… le déclic du lavabo, le gargouillement du robinet, puis de la cuvette, un éclaboussement d’eau, un autre déclic et la cuvette se remettait en place.

Dans le couloir passa une personne en pantoufles. Hercule Poirot, éveillé, leva les yeux au plafond. Pourquoi ce silence absolu dans cette gare ? »

En réalité, le train, immobilisé par la neige, a été contraint de s’arrêter en rase campagne, « dieu seul sait combien de temps ». Pour couronner le tout, le lendemain matin, on découvre avec effroi que son voisin de couchette, le détestable M. Ratchett, a été assassiné.

« Il semblerait que nous devions chercher le meurtrier parmi les voyageurs de la voiture Constantinople-Calais. [...] C’est bien votre opinion ?

Le Grec acquiesça d’un signe de tête.

— Depuis minuit et demie, nous sommes bloqués par la neige amoncelée. À partir de ce moment-là, personne n’a pu quitter le train…

M. Bouc déclara solennellement : L’assassin est parmi nous… dans ce train même »

Le Crime de l’Orient-Express est un spécimen parfait de roman d’énigme – le whodunit si cher aux Anglo-Saxons. Comme souvent chez l’auteure britannique, il s’agit d’une histoire de meurtre en huis clos, où tous les personnages sont suspectés et les indices distillés au lecteur un à un, jusqu’à la résolution finale.

Notons que la « Duchesse de la mort », comme elle aimait à se nommer, connaissait son décor sur le bout des doigts, puisqu’elle avait elle-même effectué le voyage l’année précédant l’écriture du livre.

Si l’histoire dispose d’une épaisseur particulière, c’est aussi qu’elle repose sur deux faits divers bien réels. L’intrigue autour de la victime, l’Américain Ratchett, est en grande partie basée sur une affaire qui avait fait couler beaucoup d’encre à peine deux ans auparavant : l’enlèvement et l’assassinat du fils de l’aviateur américain Charles Lindbergh, dont nous avons déjà parlé.

Quant à l’immobilisation du train, toile de fond et ingrédient indispensable à la trame, elle s’inspire d’un incident survenu quelques années plus tôt en Turquie, où les passagers du Simplon-Orient-Express s’étaient retrouvés immobilisés et coupés du monde pendant six jours.

Le Crime de l’Orient-Express, considéré comme l’un des chefs-d’œuvre d’Agatha Christie, a été traduit en plus de trente langues.

Quatre-vingts ans plus tard, il continue d’inspirer de nouvelles adaptations – comme en témoigne le film de Kenneth Branagh, actuellement en salles.